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Conseiller d’affaires

Innovation durable

David S. Weiss
Président et chef de la direction de Weiss International Ltd.
www.weissinternational.ca;
david.weiss@weissinternational.ca

David S. Weiss

Depuis dix ans, les enquêtes révèlent un décalage considérable entre les désirs exprimés des dirigeants d’entreprise et ce qu’ils obtiennent de leur personnel. Plus de 80 % des dirigeants interrogés considèrent que l’innovation constitue un facteur de succès déterminant pour l’avenir, mais moins de 30 % d’entre eux sont satisfaits de la place qu’elle tient dans leur organisation. Pourquoi est-ce que les dirigeants des organisations des secteurs publics et privés n’ont-ils pas donné à l’innovation la place qui lui revient malgré l’importance qu’on lui accorde? La réponse est simple : ils n’ont pas trouvé de solutions viables, ni mis au point des programmes structurés pouvant amener des résultats durables. On leur a plutôt présenté un nombre incalculable d’options plus ou moins adéquates, de sorte qu’on constate aujourd’hui un retard inquiétant sur le pan de l’innovation.

Dans notre ouvrage intitulé Innovative Intelligence: The Art and Practice of Leading Sustainable Innovation in Your Organization (John Wiley & Sons, 2011), nous présentons les principes de base qui permettent de combler cette lacune. Mais tout d’abord, voici un exemple de situation commune à de nombreuses organisations :

Un cadre dirigeant confie un projet d’innovation à un chef d’équipe talentueux. Il lui demande de sortir des sentiers battus pour trouver des solutions vraiment nouvelles. Le chef d’équipe veut savoir s’il doit respecter certaines contraintes, ou s’il a carte blanche. Son supérieur lui répond qu’il tient à entendre toutes ses suggestions sur la manière d’aborder ce problème sous un angle nouveau, et qu’il n’y a donc pas de limite.

Le chef d’équipe se dit que ce projet est l’occasion rêvée. Il s’absente donc une semaine pour travailler seul. Il laisse aller son imagination, puisqu’on l’a assuré qu’il n’y avait aucune limite. Le moment venu, il présente de nombreuses recommandations à l’équipe de direction; certaines peuvent être implantées immédiatement, tandis que d’autres exigent des investissements considérables sur trois ans, une restructuration de la société et un important changement dans l’infrastructure technologique.

Pendant l’exposé, les dirigeants sont attentifs et silencieux. Pour le chef d’équipe, c’est signe qu’ils sont satisfaits de son travail. Au terme de l’exposé, le cadre dirigeant qui lui a donné le mandat dépose lentement son stylo et dit : « Non, mais, ça ne va pas? Crois-tu vraiment que nous allons changer notre stratégie et restructurer la société pour réaliser un seul projet d’innovation? T’imagines-tu que nous pouvons investir la somme colossale qu’il faudrait pour réaliser ce que tu suggères? N’as-tu donc aucun jugement professionnel? »

Le chef d’équipe sort de la réunion abattu et démotivé. Il se sent trahi par son supérieur qui, croit-il, l’a traité injustement. Une année passe sans qu’aucune initiative associée à ce défi d’innovation ne soit implantée, puis le chef d’équipe quitte l’entreprise et entre au service d’une société concurrente.

Quelles erreurs ont été commises? Comme dans bien des situations, les torts sont partagés. Nous pouvons puiser dans cet exemple quelques principes essentiels à la découverte de solutions durables qui favorisent l’innovation.

Principe no 1 : Bien définir les limites d’un projet
Le cadre dirigeant a dit qu’il voulait des idées radicalement différentes. Si l’on se fie à sa réaction à la réunion, il connaissait les limites du projet dès le début. L’organisation n’était pas prête à se restructurer, à investir sur trois ans, ni à changer son infrastructure technologique pour réaliser un projet d’innovation.

Les limites d’un projet d’innovation doivent être clairement définies. Dans le cas qui nous intéresse, cette information manquait, et le chef d’équipe dut circonscrire lui-même le projet. Il a bien fait de demander à son supérieur s’il y avait des contraintes à respecter; ce dernier qui n’a pas été honnête. Il y avait des limites, mais le dirigeant a préféré ne pas les communiquer, de peur sans doute qu’elles restreignent la portée des solutions. Dans une telle situation, le chef d’équipe a deux options : 1. prendre son supérieur au mot et présenter toutes les possibilités, mais risquer, comme on l’a vu, de dépasser le cadre implicite et de se faire blâmer pour manque de professionnalisme; 2. jouer la prudence et veiller à respecter les contraintes implicites. La portée de l’exploration est cependant réduite, et la solution, souvent inadéquate. Il vaut mieux obtenir des directives précises au départ. Le chef d’équipe peut ensuite donner libre cours à son imagination à l’intérieur du cadre établi. Si cette information n’est pas disponible au début du projet, le responsable devra se renseigner auprès de son supérieur au fil de l’avancement des travaux.

Principe no 2 : Former une équipe diversifiée
Toujours dans notre exemple, le chef d’équipe a fait cavalier seul. Il considérait ce mandat comme une occasion de mettre en valeur ses capacités d’innovation. Or, travailler seul, c’est comme vivre en vase clos. Le chef d’équipe n’a pas sollicité d’autres opinions, ce qui aurait stimulé la réflexion, et il s’est privé de collaborateurs avec qui évaluer les risques. S’il s’était entouré d’une équipe, ses coéquipiers auraient présenté leur point de vue et auraient sans doute fait de meilleures suggestions. Autre avantage du travail d’équipe : la multiplication des points de vue permet de mieux comprendre et circonscrire la problématique, et de trouver, parmi les nombreuses possibilités, les recommandations les plus pertinentes.

Principe no 3 : Désigner un responsable de l’innovation plutôt qu’un innovateur
Beaucoup d’organisations s’évertuent à former l’esprit créatif de leur personnel pour pallier le manque d’innovation à l’interne. Or, la plupart des employés s’appliquent depuis des années à développer leur faculté de raisonnement. On ne peut donc espérer qu’un seul cours suffise à améliorer leurs capacités à innover. Ils retiendront sans doute quelques techniques, mais il est très probable que, dès les premiers signes de stress au travail, ils reprendront leurs vieilles habitudes (qui leur avaient plutôt bien réussi, d’ailleurs).

La formation devrait plutôt viser à transformer les chefs d’équipe en responsables de l’innovation. Autrement dit, un chef d’équipe doit exceller dans l’art de développer la capacité d’innovation de ses employés ou collaborateurs; il ne doit pas essayer de s’imposer comme le grand innovateur au sein de l’équipe. Il doit créer un climat de confiance et de collaboration qui favorise la compréhension des problématiques et la proposition de solutions novatrices. Diriger un projet d’innovation est une technique qui s’apprend et s’enseigne, et les entreprises devraient former tous leurs chefs d’équipe en ce sens. Voilà une approche durable pour faire une plus grande place à l’innovation.

Il ne faut pas croire pour autant que les chefs d’équipe innovateurs à l’imagination féconde ne sont pas utiles. Au contraire. Ils sont d’excellents atouts, mais on ne peut compter sur eux à long terme. De plus, ces employés sont très difficiles à remplacer. Par ailleurs, lorsqu’ils sont à la tête d’une équipe, ils mettent de l’avant leurs idées et monopolisent souvent la conversation, ce qui empêche les autres de se faire entendre et de découvrir des solutions inédites à des problèmes complexes.

En conclusion, une lacune sur le plan de l’innovation constitue un grand problème pour la plupart des organisations. Nombre d’entre elles ont opté pour des solutions rapides dans l’espoir de combler cette lacune dans l’immédiat. Toutefois, l’innovation durable se fonde sur les trois principes énumérés précédemment : bien définir les limites du projet, former une équipe diversifiée et désigner un responsable de l’innovation plutôt qu’un innovateur. J’invite les organisations à adopter cette approche, sorte de virage à 180 degrés, pour combler le manque d’innovation.

David S. Weiss est président et chef de la direction de Weiss International Ltd., cabinet spécialisé dans l’innovation, le leadership et les conseils en ressources humaines. Avant d’occuper ce poste, il était directeur de l’innovation dans un cabinet multinational. Souvent invité à donner des conférences, il a coécrit cinq ouvrages, dont Innovative Intelligence (John Wiley & Sons, 2011). Pour de plus amples renseignements, consultez le site www.weissinternational.ca.


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