Conseiller d’affairesNiraj Dawar

L’avantage de la différence

Niraj Dawar
Professeur de marketing à la Ivey Business School

Les marchés étrangers offrent des perspectives alléchantes aux sociétés fermées canadiennes, mais attention au piège de la localisation. Elle peut paraître bien tentante, même si c’est un désir d’uniformisation (dans le but de réaliser des économies d’échelle) qui vous a poussé à vous établir à l’étranger.

À force d’interroger des directeurs régionaux de multinationales un peu partout dans le monde, on ne s’étonne plus, après un moment, d’entendre la même rengaine : « … mais ici, c’est différent. »

Demandez-leur de préciser leur pensée et ils vous décriront en détail les habitudes de consommation locales, les différences dans le comportement d’achat des consommateurs, les goûts particuliers et les préférences locales, le contexte médiatique régional, la spécificité du commerce de détail. Autant de raisons qui expliquent pourquoi leurs clients sont à prendre avec des pincettes.

Et pendant que vous vous demandez sur quoi se basent ces différences, voilà que votre interlocuteur, directeur régional, enchaîne avec le deuxième couplet : « On dirait que les gens de la haute direction ne veulent rien entendre », « C’est à croire qu’ils sont sourds, ou qu’ils font la sourde oreille quand on leur parle des différences », « Ils préfèrent tout standardiser, alors qu’une approche personnalisée nous permettrait de devancer la concurrence ».

Selon la haute direction, ces protestations sont des paroles futiles ou encore des arguments utilisés par les directeurs régionaux pour justifier, voire pour exagérer, l’importance de leur rôle comme interprètes d’une stratégie mondiale dans un marché local.

En fait, oui, il existe des différences d’un pays à l’autre et les directeurs régionaux ne cessent de ressasser la question.

Admettons-le, il y a des différences dont on doit tenir compte. Même les entreprises qui optent pour la standardisation à l’échelle mondiale pour des raisons d’efficience et d’économie doivent se plier à quelques particularités locales. McDonald’s affiche en français au Québec et ne sert pas de galettes de bœuf en Inde. Le système métrique est utilisé partout, sauf aux États-Unis et au Myanmar. Pour s’établir dans ces marchés, il faut donc localiser. Les petites entreprises doivent toutefois se montrer prudentes : les coûts de la localisation peuvent augmenter rapidement et gruger le bénéfice.

Là où le bât blesse, c’est quand les différences se font plus subtiles. Prenons Kellogg, par exemple. Que faire lorsque le chef de marque affirme que les céréales Raisin BranMD n’ont pas la cote auprès des Coréens à l’heure du petit-déjeuner? Et que répondre au chef de produit dans une entreprise chocolatière qui dit qu’en Chine le noir est une couleur qui ne convient pas pour un emballage de chocolat? Devrait-on se fier au directeur régional ou s’en tenir au plan d’origine?

En fait, chacune des parties, les membres de la haute direction et le directeur régional, essait d’évaluer certains points :

  • Les différences sont-elles considérables et portent-elles vraiment à conséquence?
  • Autrement dit, devraient-elles influer sur le positionnement et la présentation de la marque, peu importe si la stratégie est adaptée ou non?
  • Les différences sont-elles de taille à saper les fondements de la marque et de la stratégie?

Le hic, c’est que l’évaluation demeure subjective. Du côté du directeur régional, les différences sont si tangibles qu’elles prennent toute la place. Du côté de la direction mondiale, par contre, elles sont si nombreuses d’un marché à l’autre qu’elles semblent plutôt banales.

La façon dont une entreprise réagit à ces différences dépend de sa culture et de l’influence des directeurs régionaux, mais aussi, bien entendu, du potentiel commercial : est-il suffisant pour justifier la localisation?

Au cours des deux prochaines décennies, ce sont la Chine, l’Inde et d’autres pays émergents qui alimenteront une bonne partie de la croissance des entreprises établies à l’étranger. Si bien que même les entreprises qui ont jusqu’à maintenant résisté à la localisation revoient leurs stratégies.

Aussi, plus ces marchés prendront de l’importance, plus les directeurs régionaux auront une influence sur l’orientation de la marque, la gamme de produits et la stratégie de l’entreprise.

Les plus visionnaires iront même jusqu’à introduire dans d’autres pays des concepts de produits ou des propositions de marque venant de la Chine ou de l’Inde. Dans un monde idéal, les produits et les idées circuleraient dans les deux sens. Il y aurait donc une occasion à saisir : emprunter les concepts prometteurs d’une région, et les ramener dans son pays ou les utiliser dans d’autres marchés où on exerce ses activités.

Prenons l’exemple d’une multinationale canadienne qui a connu des débuts modestes au Nouveau-Brunswick, il y a de cela quelques décennies, et qui est maintenant bien implantée dans de nombreux pays : McCain Foods. La société est le plus grand fabricant de frites congelées du monde. Personne ne connaît mieux la pomme de terre que McCain. Lorsque le moment est venu de s’établir en Inde, les dirigeants ont découvert qu’il y avait une forte demande pour l’aloo tikki (croquette de pomme de terre indienne), un produit que la société n’avait encore jamais fabriqué ou vendu. Cependant, comme personne en Inde ne le vendait congelé, McCain a sauté sur l’occasion. Elle a développé puis lancé la populaire collation en Inde. Le succès a été instantané. Le produit a même gagné un SIAL d’OR au Salon international de l’alimentation de Paris, l’une des plus grandes foires d’alimentation du monde.

S’il existe des débouchés intéressants à l’échelle mondiale pour les aloo tikki, la société pourrait bien, un jour, se positionner sur ce créneau.

Ce scénario est envisageable, et le directeur régional en Inde pourrait se retrouver de l’autre côté de la clôture et affirmer que les préférences des consommateurs sont les mêmes partout dans le monde en disant que « tout le monde aimera les aloo tikki! »

Quelle leçon les sociétés fermées canadiennes doivent-elles en tirer? La conquête des marchés internationaux n’est pas juste une question de coûts, c’est une occasion en or. Pendant qu’on fait connaître le Canada à l’étranger, on a la chance de découvrir d’autres marchés : nouveaux produits, nouveaux procédés, nouveaux concurrents et nouvelles façons de livrer concurrence. La valeur de l’expansion mondiale ne réside pas dans les revenus qu’elle peut générer ailleurs, mais plutôt dans les améliorations qu’elle peut entraîner au sein de votre entreprise.

Cet article est aussi paru dans Just Marketing (www.nothingbutmarketing.blogspot.com) sous le titre « No, Really, My Market is Different ».


Le bulletin Conseiller d’affaires est publié par KPMG EntrepriseMC à l’intention des propriétaires et des dirigeants de sociétés fermées canadiennes, auxquelles KPMG Entreprise se consacre exclusivement. Pour en savoir plus sur les services qu’offre KPMG Entreprise à ces sociétés, consultez le site www.kpmg.ca/entreprise.




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